Frank Erne en tant que premier boxeur suisse de l'IBHOF

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17.12.2019 19:40 Uhr
Jack Schmidli / Daniel Hartmann

Ils s'appellent Fritz Chervet, Enrico Scacchia, Mauro Martelli, Walter Blaser, Stefan Angehrn ou Andreas Anderegg. Tous ces anciens boxeurs ont quelque chose en commun. Ils sont ou étaient suisses et ont combattu au niveau national et international en tant que boxeurs professionnels. Mais aucun des boxeurs mentionnés n'a jamais réussi à être accepté au Temple de la renommée de la boxe, le Temple de la renommée de la boxe internationale (IBHOF).

Cet honneur est désormais décerné à titre posthume au boxeur suisse le plus titré de tous les temps, Frank Erne, né à Döttingen en 1875 et émigrant en Amérique avec ses parents. Encore une fois, la «Boxing Writers Association» et un panel d'historiens de la boxe ont recommandé sa sélection dans la catégorie «Old Timer». L'admission à l'IBHOF équivaut à l'ascension du mont Olympe. Il n'y a pas de plus grand honneur pour un boxeur que de faire partie du cercle illustre des membres de l'IBHOF.

Les personnalités suivantes seront honorées ou admises à l'IBHOF en juin lors d'une cérémonie à Canestota (New York).

Catégorie „Modern“ : Bernard Hopkins, Juan Manuel Marquez et „Sugar“ Shane Mosley
Catégorie „Women’s Modern“ : “The Coal Miner’s Daughter” Christy Marty et Lucia Rijker
Catégorie „Old Timer“ : Frank Erne
Catégorie „Peoneer“ : Paddy Ryan
Catégorie „Non Participant“ : Lou DiBella, Kathy Duva et Dan Goossen
Catégorie „Observers“ : Thomas Hauser et Bernard Fernandez.

Mais qui était ce Frank Erne, connu de quelques amateurs de boxe dans ce pays? Probablement le meilleur connaisseur de Frank Erne et ancien promoteur de boxe Daniel Hartmann raconte son histoire fascinante.

Frank Erne – Superstar

Dans sa courte mais brillante carrière, Frank Erne, (catégorie des poids légers) a démontré qu’il était possible d‘être un excellent boxeur tout en étant un gentleman. Erne a été le plus humble et le plus cultivé champion du 19ème siècle, toujours charmant, poli, élégamment vêtu et de belle apparence. Il ressemblait plus à un fringant banquier de Wall Street qu’à un combatif boxeur professionnel. En raison de son apparence, Frank faisait de nombreux envieux, et certains l’appelaient le « Boxeur de salon » ou encore « Pâquerette ». Il était toutefois le héros incontesté de certains des plus féroces et sanglants combats jamais vus dans la classe des poids légers.

Durant l’âge d’or de la boxe, quand Frank Erne connut la gloire, tous les champions du monde de boxe étaient plus admirés que le furent ensuite les stars du cinéma. Parfois, ils suivaient des tournées de spectacles et aussi des représentations théâtrales, et ils gagnaient de l’argent à foison, souvent plus que dans les compétitions réelles.

Frank Erne, notre futur champion du monde, vint au monde le 8 janvier 1875, probablement à Döttingen, avec le nom d’Erwin Erne. Le père de Frank, Engelbert, était brasseur de bière à Leuggern, dans le canton d'Argovie. Il épousa sa mère, Anna Knecht, du village voisin de Döttingen, à l’automne 1874, car elle était enceinte. A cette époque, le canton d’Argovie ne connut pas la révolution industrielle, ce qui généra du chômage et une forte crise économique. Beaucoup de gens s'exilèrent. Les Erne émigrèrent aux Etats-Unis d’Amérique, et, à bord d’un paquebot, accostèrent au printemps 1882 dans le port de New York. Les Erne élisent domicile à Buffalo, dans la comté d’Erie, État de New York, où, le père de Frank trouva du travail comme brasseur dans l’une des nombreuses brasseries de la ville alors en pleine expansion, qui comptait déjà environ 200'000 habitants.

Dans les environs hostiles de ces brasseries et pubs, l'adolescent dut apprendre à s'imposer parmi tous les jeunes hommes de cette époque qui pratiquaient la boxe, souvent dans la rue. De plus, en raison de son dialecte suisse allemand, le petit Erwin était souvent pris à partie par les immigrants allemands. Au printemps 1890, alors âgé de 15 ans, il obtient une place de placeur de quilles dans un bowling du Buffalo Athletic Club à côté duquel se trouvait un club de boxe. D’entente avec le propriétaire du club, pour qui le jeune Frank effectuait de menus travaux, il prend des leçons de boxe. Il reçoit sa première leçon du célèbre poids léger et entraîneur James "Jimmy" Connors. Très rapidement, il s'attire le respect des jeunes de la ville, respect mêlé de crainte. Durant ses jeunes années, il change son prénom en Frank, Erwin ne lui plaisant plus.

Le jeune Erne disposait d’un talent extraordinaire, et il apprit très rapidement tous les rudiments de la boxe. Il a représenté, avec Jim Corbett et „Kid“ McCoy, la nouvelle école de boxe. « La boxe était pour nous comme un véritable art », a-t-il dit dans une interview quelques années plus tard. Il la comparait à une sorte de science, il en étudiait la nature et les différents styles, de lui-même et de ses adversaires. Il planifiait ses combats et étudiait ses stratégies. Même pendant le combat, il essayait de placer quatre ou cinq mouvements d’avance, afin d'anticiper et d’imposer ainsi ses tactiques à ses adversaires.

Les boxeurs capables d'agir ainsi étaient appelés les Généraux du ring. Erne en était un. Il a boxé avec tous les meilleurs boxeurs amateurs de Rochester et Buffalo et, les 29 septembre et 27 octobre 1892, il fut promu par l’ABAC champion amateur de l’Ouest New York, à la suite de ses deux victoires dévastatrices par TKO et KO contre le champion des poids plumes John Roy.

Début 1893, après deux années sans combat, la troisième reprise du match contre Joe Diebold – vraisemblablement son premier combat professionnel – se termine par un poignet éclaté pour Erne. Le combat s'est poursuivi jusqu’à la fin des 23 reprises prévues, et s’est terminé par un match nul.

Quel cœur de combattant ! Il utilise la période de guérison pour s’entraîner pendant l’hiver avec l’entraîneur Jim Daly et les ex-sparring-partners de Jim Corbett.  Pendant ce temps, il fait d’importants progrès en vue de faire ses débuts de boxeur professionnel.

Le 7 janvier 1894, Frank s'offre son propre cadeau d’anniversaire en éliminant John L. Sullivan – celui qui n’avait pas reconnu le titre de champion de l’Ouest d’Erne et qui avait été blessé une année auparavant à la bouche par Erne, à la deuxième reprise. A Buffalo, ce combat de boxe a causé le plus grand engouement jamais vu de mémoire d’homme, et il avait été commenté par les médias déjà longtemps à l’avance. Pour cette rencontre, Sullivan, un rapide cogneur, était le grand favori.

Après cette spectaculaire victoire, la vie continuait en douceur pour le Buffalo Boy. Aux mois de mars, avril et mai, il monta sur le ring 7 fois et, grâce à sa supériorité, il fut en mesure de battre tous ses adversaires avec aisance. Même le célèbre George Siddons, lequel avait pourtant déjà deux fois boxé contre le futur champion des poids légers Georges „Kid“ Lavigne, était visiblement désappointé.

Et Erne, le chanceux, gagnait de jour en jour plus d’argent ! A l’automne 1894, il boxe contre le fort mauvais Solly Smith de San Francisco. Ce combat se termina par un nul après seulement 10 rounds. Il était incompréhensible que le champion du monde des poids plumes de 1891 se soit comporté dans ce combat de manière si déloyale !

L’année suivante, Erne se rend avec Franklin, son manager, en Angleterre. Le champion anglais en titre ne voulut pas affronter Erne. Dans un combat de remplacement, l’homme de Buffalo rencontra donc l’anglais Jem Perry, et il remporta cette rencontre aux points. De retour à New York, il combat avec succès deux fois contre Jack Skelly et boxe une fois, avec comme résultat un match nul, contre „Little Chocolate“ George Dixon, le champion du monde en titre des poids plumes. Il boxa aussi contre Young Griffo, un ancien champion du monde et champion australien des poids plumes. Il était difficile de combattre contre Griffo, car il était l’un des meilleurs boxeurs défensifs de l’histoire de la boxe.

Ce fut en 1896, devant 2000 spectateurs, que Frank Erne, lors d’un combat serré et épuisant, remporta aux points, grâce à sa force de finition, le titre de champion du monde des poids plumes contre George Dixon. Cependant, il ne conserva ce titre qu’environ trois mois. En 1897, dans un combat pour le défendre prévu en 20 rounds contre Martin Flathery, Erne éprouvait d’énormes difficultés déjà à la quatrième reprise. Une coupure sous son œil gauche saignait abondamment, lui causant un lourd handicap pendant le combat. Avec cette blessure, Frank n’avait aucune chance de remporter ce combat !

Au mois d’avril de l’année suivante, au cours d’un combat contre Harry Lemons, Frank se cassa la main gauche. Il réussit tout de même à envoyer le Noir trois fois au tapis ! Seul le gong put sauver Lemons du KO, et Erne remporta le combat aux points. A l’automne, il combattit pour la première fois pour la couronne des poids légers, et George „Kid“ Lavigne, le champion en titre, réussit, avec beaucoup de chance et un guère flatteur match nul, à garder le titre.  De nombreux spectateurs ont ensuite rapporté qu’Erne avait été, ce jour là, le meilleur sur le ring.

Frank réussit un bon départ au printemps 1899, car, à San Francisco, il battit Dal Hawkins par KO à la 7ème reprise. Ce Dal était un homme fort, ce que pensait également le boxeur de Philadelphie Joe Gans, qui avait perdu trois ans auparavant contre lui. Peu après le combat contre Hawkins, Mister Buffalo remporta également un combat en 25 reprises contre George „Elbows“ McFaden, ceci malgré une entaille au-dessus de l’œil. Ce combat fut l’un des plus brillants que l’on n’ait jamais vu à New York. Frank Erne trouva que „Ellbow“ était souvent maladroit et boxait comme un amateur, malgré le fait que, un mois auparavant, McFadden ait battu par KO à la 23ème reprise Joe Gans.

Ensuite arriva le 3 juillet 1899 – pour Frank, la chance de sa vie – et il la saisit ! Lors d’un combat décisif contre Kid Lavigne, à Buffalo, il a démontré sa supériorité devant environ 7000 spectateurs, et ainsi effacé toutes sortes de doutes quant à sa revendication du titre mondial. Avec une grande agressivité, il a travaillé le Kid durant 20 rounds. Sa célèbre gauche lui ouvrait le passage tel un marteau. Erne dominait Lavigne à son gré, ce qui irritait ce dernier et l'entraînait à des actions qui lui valurent un KO. Cette victoire rapporta à Frank 6000 dollars.

Après cinq mois de pause, Erne défendit son titre, pour la première fois, contre le « Tueur de Flaherty », Jack O’Brien de New York. La violence brutale de Jack contrastait avec les compétences du boxeur de Buffalo. Frank ne fut pas en mesure de l’emporter, et le combat s'acheva sur un nul.

Le 23 mars 1900 arriva le grand test pour Frank, à l’occasion de son deuxième combat pour la défense de son titre contre Joe Gans, à New York, au Broadway Athletic Club. Lui et Gans étaient à cette époque les meilleurs poids légers du monde. Lors de ce combat, Erne était particulièrement nerveux, et il fit le forcing dès le début du combat. Dans le deuxième round, „The Old Master“ Gans perdit de la vitesse. Frank augmenta donc la pression. Nombreux étaient ceux qui pensaient qu’à ce moment-là, Gans avait de l’avance. Or, au début de la douzième reprise, Frank démarra en frappant les yeux de Joe avec un „Smash“ gauche et un „Smash“ droit. Immédiatement après, il donna un redoutable coup droit dans l’intestin. Joe s’affaissa, et avant qu’il soit capable de se redresser, Frank lui assena une droite terrible au-dessus l’œil droit. Un horrible éclatement ! Gans s’accrocha et, avant que l’arbitre „Charley“ White puisse séparer les deux boxeurs, il chancela vers le coin de Erne et dit : « Je suis aveugle. Je ne vois plus rien. ». White arrêta le combat et déclara Frank Erne gagnant. Le manager de Joe déposa un protêt pour coup de tête. Plus tard, Gans le fit aussi. Les personnes autour du ring étaient cependant d’avis différent. Les boxeurs professionnels McPharland, Sullivan, Sharkey et John L. Sullivan félicitèrent chaleureusement Erne pour sa victoire.  McAuliffe, ancien champion du monde des poids légers, déclara à propos d’Erne :  „A game boy that“ – il se trouvait certainement dans les rangs des sympathisants ! Le boxeur professionnel Matty Matthews a résumé la situation : „Erne met en place une grande bataille, donnant de l’ampleur au jeu de la boxe dans tous les domaines. Buffalo doit se sentir plus que fier de son champion du monde des poids légers, qui est aussi un vrai gentilhomme. »

Et le boxeur Dan Creedon, qui suivit également le combat, dit de l’accusation de coup de tête : « C’est la droite d'Erne qui a envoyé Gans dans les choux. Joe dit qu’il s’agit d’un coup de tête, mais je suppose qu’il a vu trop d’étoiles à la treizième reprise ». A son retour, des centaines de fans et de sympathisants attendaient le Buffalo Boy à la gare. Frank Erne, à l’apogée de sa carrière, était célèbre et populaire aussi bien à Buffalo que dans tout le pays. Il aimait être perçu comme l’un des boxeurs les plus complets qu’il n’y eût jamais. Il combinait l'habileté dans la technique et la tactique avec la force de frappe et la robustesse. Doté de rapides jeux de jambes, disposant d’excellents réflexes, il dansait sur le ring telle une danseuse classique. Son „Snappy Left Hand Jab“ était son arme la plus redoutable, avec laquelle il contrôlait ses adversaires et préparait son attaque.

Le record de combats de Frank Erne était aussi long qu’enviable, et l’obtention du titre de champion du monde des poids légers fut le résultat d'une série de brillantes performances sur les rings.

Mais Frank était présomptueux et se surestimait ! Ainsi voulut-il changer de catégorie de poids pour arriver aux poids plumes, dans le but de se confronter au champion du monde Terry McGovern, le « Mike Tyson » de cette classe de poids, et le battre. La rencontre eut lieu le 16 juillet 1900, et Erne, contre „Terrible“ Terry, reçut une terrible raclée ! McGovern se jeta comme un ouragan sur lui, et Buffalo Boy dut s'avouer vaincu au 3ème round, après avoir été sonné deux fois. Ses seconds furent obligés de jeter l’éponge, et Frank perdit la rencontre par KO. Cette fois-ci, son habileté ne l’aida pas, il était tout simplement physiquement trop faible. Sa puissance aurait au mieux été suffisante pour « pousser une chaise roulante sur le ring », comme l’écrivit hardiment un quotidien en manchette. Le poids m’a joué un tour, déclara Erne, et de plus, avec mes 133 livres, je suis dans une forme impeccable, mais j’aurais plus de chance avec un poids inférieur. En conséquence, Frank ne se remit jamais vraiment de ce combat, et ne retrouva plus son ancienne forme. Ainsi, un combat « brise le cœur et détruit la confiance », comme l’écrivit un reporter avec justesse. Erne voulut en tirer les conséquences et déclara : « Je resterai dorénavant dans ma classe de poids ! ».

Un an plus tard, il remontait sur le ring, bien qu’il ait entre-temps démissionné, pour un combat dans la classe des poids welter – un combat pour le titre mondial contre James „Rube“ Ferns, le détenteur du titre. Pour la deuxième fois, Erne commettait la terrible erreur de combattre hors de sa catégorie de poids. Argent et célébrité étaient toujours aussi attirants… Ferns lui donna sa deuxième leçon : Frankie fut compté à la neuvième reprise.

Ainsi, non seulement les changements de classe, mais aussi de fréquentes modifications de poids, sans oublier les coups reçus, ont été en mesure de modifier le déroulement de la carrière de boxeur d’Erne. Ainsi, il s’est battu beaucoup moins fréquemment que son « ennemi juré » Joe Gans.

Il s’entraîne désormais moins. Souvent, entre ses combats, Frank effectue de longs voyages d’agrément, aux Etats-Unis, mais aussi dans le monde entier. Il aime les belles choses de la vie et apprécie aussi le vin… Probablement trop ! Sa femme et ses parents n’étaient pas présents au début de sa carrière de boxeur professionnel. Cela également n’était pas propice à une longue et constante carrière.

Frank gagna facilement ses deux combats suivants contre Ferns. Il était toujours champion du monde des poids légers quand arriva le jour fatidique du 12 mai 1902. A Fort Erie, au Canada, eut lieu la revanche promise contre Joe Gans. Les deux boxeurs étaient en très grande forme en montant sur le ring pour un combat prévu en 20 reprises. Plus de 6000 spectateurs avaient fait le déplacement pour assister à ce passionnant combat.

Hélas, le combat ne dura que 1 minute et 40 secondes, Gans envoyant Erne au tapis à l’improviste avec un puissant crochet droit. Ce KO fut si soudain et rapide que même Gans et l’arbitres demeurèrent immobiles pendant une minute en contemplant Erne durement touché gisant sur le sol. Ce dernier essaya de se remettre sur ses pieds, vainement. Il fut reconduit vers son coin avec une très grave hémorragie nasale, et il fallut plus d’une minute pour « le ramener du pays des songes ». La rapidité de ce KO sema la consternation auprès des milliers de fans d’Erne qui étaient autour du ring. Leur cœur sembla s’arrêter, c’était comme s’ils avaient reçu un coup sur la tête ! Leur aimé et vénéré champion avait été battu avant même de pouvoir se battre ! Et, en plus, ils avaient perdu des milliers de dollars en pariant sur Frank…

Frank était très en colère à propos de ce combat, et il donna l’explication suivante : « J’étais à peine chauffé, j’ai n’ai eu que le temps de faire une ou deux feintes, et « Bang », ce fut tout, Gans m’a frappé avec un premier coup et ce fut le KO ». Terry McGovern, qui avait soutenu pour bon argent Joe Gans pour ce combat, déclara ensuite: « Ce fut un coup chanceux, pour sûr… je pensais que ce serait un long combat. Que la fin arrive si soudainement et rapidement, je n'y étais pas préparé ».

Sam Harris, manager de McGovern : „Gans a gagné, c’est clair, mais avec un coup de chance, comme il ne s’en produira plus durant les prochains 1000 ans ». Le jugement définitif des experts locaux fut unanime : le combat fut trop court pour être en mesure de déterminer lequel des deux boxeurs était le meilleur ce jour-là. Mais il ne fut de toute façon plus question de la revanche d’Erne.

Frank remporta ensuite à Londres, en Angleterre, un combat contre Jim Maloney, avant d’être éliminé par KO à la 7ème reprise contre le futur champion du monde des poids légers Jimmy Britt. Après ce combat, dans les vestiaires, très marqué au visage par les coups reçus, Erne a pleuré. Il était conscient que sa carrière touchait maintenant presque à sa fin. Une fois de plus, il donna sa démission.

En 1907, Erne voyage et se rend notamment à Paris, où il jouera dans la foulée un rôle décisif de premier plan dans l'essor de la boxe en France. Frank s’engage plus que quiconque pour la promotion du Noble Art en France, et pour lui donner ses lettres de noblesse. Il fonde une école de boxe, et forme entre autres Georges Carpentier, futur champion d’Europe et du monde, Charles Ledoux, champion d’Europe et du monde, et Louis de Ponthieu, champion  d’Europe. Et naturellement, Frank lui-même devient un promoteur important de la boxe en France et au-delà ! Ici, en 1908, il monte pour la dernière fois sur le ring, à l’occasion des championnats de France des poids welters, contre le boxeur local Curley Watson. Il n’a probablement pas vraiment mérité de gagner ce combat…

L’influence d’Erne sur la boxe en Suisse ne doit pas être sous-estimée. Ainsi, ses anciens et actuels élèves Georges Carpentier, Marcel Moreau et Louis De Ponthieu, pour lesquels il était également le manager, ont boxé le 27 juillet 1911 en Suisse, à Genève au Luna Park. Erne, en tant que manager, était certainement présent. Un tel grand événement, avec des boxeurs français de classe mondiale, devait donner une forte impulsion au développement et à la croissance de l’intérêt pour la boxe en Suisse.

Lors du commencement de la Première Guerre mondiale, Frank retourna aux États-Unis. Il est toujours resté dans le business de la boxe, probablement jusqu’aux années trente.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, Frank se rendit souvent dans des hôpitaux pour raconter aux blessés des anecdotes et des histoires sur les anciens héros de l’Age d’Or de la boxe. Erne raconta une fois qu’il avait gagné 200'000 dollars avec ses poings. Cela correspond à environ 4,7 millions de dollars actuels. Il en perdit beaucoup en 1929 lors du crash de Wall Street. Mais Erne s‘en releva et trouva un emploi. Il a ensuite travaillé pendant de nombreuses années, bien au-delà de l’âge de 65 ans, pour une compagnie pétrolière de New York, en tant que vendeur.

En 1951, Frank Erne était le plus vieil ex-champion du monde encore en vie, et il fut honoré par le Boxing Writer’s Association par un prix pour l’ensemble de sa carrière. Frank Erne – boxeur et gentleman – est décédé au matin du 17 septembre 1954, d’une crise cardiaque, à l’Hôpital Beth David de Manhattan.

« Erne était sûrement le meilleur homme que j'aie jamais rencontré, et en plus d’être un gentleman, il était un boxeur intelligent. » Joe Gans, 12 décembre 1907, Auburn Citizen Newspaper.

 

 

 

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