Comptée «8», la boxe suisse veut se relever

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21.01.2020 19:09 Uhr
Jean-Bernard PAILLISSER

GANTS Le noble art n’est pas mort en Suisse avec «Rocky» Scacchia, son champion le plus charismatique. Délaissée par les médias, discréditée – parfois à raison – aux yeux de l’opinion, la discipline compte de nombreux nouveaux adeptes, mais peu sont prêts à monter sur le ring

JEAN-BERNARD PAILLISSER

Le désintérêt du public, s’appuyant sur un discrédit plus ou moins fondé, a contraint la boxe suisse à mettre un genou à terre, mais elle entend reconquérir ses publics perdus, réveiller l’intérêt des médias et des sponsors par les résultats de ses compétiteurs, renforcer son influence sociale et faire vivre la boxe professionnelle. Swiss Boxing ne baisse pas les gants. La fédération, créée en 1913, compte 100 clubs, 3000 membres, 600 athlètes licenciés et une trentaine de professionnels, dont elle espère qualifier quelques combattants aux prochains Jeux olympiques de Tokyo.

Malgré les turbulences essuyées récemment par cette vieille dame (menace d’éviction du programme olympique, remous à la fédération internationale, effets désastreux des décès accidentels sur des rings étrangers), la boxe conquiert de nouveaux adeptes. Elle présente une image déformée et paradoxale d’un sport marginal à grosse audience nationale. «La boxe en Suisse est un sport marginal depuis les décennies 1980-1990. Son soutien financier, et donc de ses projets, se révèle faible, explique Andreas Anderegg, président de Swiss Boxing. Notre responsabilité première est de soutenir les athlètes de notre contingent olympique et de veiller au déroulement régulier des combats de la boxe professionnelle.» Comment aller plus loin? «La faible présence des médias rend difficile le sponsoring pour les clubs. De temps à autre, les télévisions réactivent un sport qui compte encore de nombreux fidèles en Suisse», regrette Andreas Anderegg.

Cinq boxeurs suisses à Tokyo?

La concurrence des autres sports de combat ne facilite pas l’expansion de la boxe. Pour le président de Swiss Boxing, «les entraînements sont difficiles et rebutent de nombreux jeunes attirés par d’autres sports moins exigeants…» La fédération a conçu différents programmes tels «La boxe en mouvement», la Light-Contact Boxing et la boxe fitness. Elle a aussi mis en place des structures pour organiser des championnats plus populaires.

Mais elle mise surtout sur le haut niveau pour redorer son image. «Nos boxeurs et boxeuses préparent intensément Tokyo depuis février 2018, déclare Jack Schmidli, président de la commission technique de Swiss Boxing. Ils disputent les tournois internationaux les mieux cotés. Ces confrontations leur permettent de se familiariser avec le niveau international. Nous qualifierons certainement deux femmes et trois hommes.» L’objectif est ambitieux: atteindre le sommet avec des possibilités de formation et un soutien financier moindres que dans la plupart des autres pays.

Dans son combat, Swiss Boxing peut compter sur l’engagement et la compétence de nombreux anciens champions, qui entendent apporter leur contribution au développement du noble art. Ainsi, Patrick Kinigamazi, champion du monde professionnel (WBF) superplumes entre 2017 et 2018. Egalement promoteur, le Genevois porte un regard pas forcément désespéré sur l’avenir de sa discipline. Il considère que les jeunes sont plus doués que les boxeurs de sa génération. «Ils apprennent et progressent plus vite. Mais cette génération veut tout et tout de suite sans trop se faire mal. Or, la boxe nécessite un travail de longue durée. Elle est installée dans l’ADN suisse du fait de sa popularité. Il faut qu’ils en tiennent compte.» Mohamed Belkacem (30 combats, 21 victoires) abonde dans son sens. A Fribourg, il enseigne avec la même autorité à des compétiteurs et au tout public. «Tout repose sur la discipline. Arriver à l’heure, respecter les autres, rester positif, ne jamais abandonner sont des bases avec lesquelles je ne transige pas.»

Soutiens publics insuffisants

Après vingt ans de carrière et 31 victoires, Patrick Kinigamazi envisage de raccrocher avec une perspective: organiser et promouvoir des combats et aider la jeunesse africaine passionnée par le sport et ses valeurs. «Les villes devraient aider les promoteurs qui valorisent

«Cessons d’invoquer un âge d’or passé, parlons du présent»

CABAL CRENN, MANAGER DU TEAM PRO

À LAUSANNE

Les jeunes boxeurs», affirme le Genevois, qui prépare une demi-finale mondiale WBO. Fribourg n’est pas la dernière ville suisse à proposer dans ses salles de fitness l’activité boxe anglaise. Signe des temps? Elle accueillera le 14 décembre un gala de boxe avec un programme relevé, prenant ainsi la relève de Berne et de Zurich.

Après s’être construit un copieux palmarès international en karaté et kickboxing (77 combats, 68 victoires), Yoann Kongolo a opté pour la boxe anglaise. «Mon rêve d’enfant était de boxer», dit ce poids moyen qui, depuis 2017, affiche 15 combats, 14 victoires et deux ceintures WBC et EBU. Né à Genève mais installé à Lausanne, il se sent plutôt privilégié par rapport aux autres boxeurs professionnels suisses. «Je bénéficie d’un entourage très professionnel, d’un manager me permettant de m’entraîner à Las Vegas, en Russie ou en Australie. Je vis ma passion en l’enseignant dans la salle Fight-District à Lausanne, avec trois autres boxeurs pros.»

Kongolo combat à la fois en boxe anglaise et en kickboxing, où il vient de signer un contrat de deux ans avec une organisation internationale (le Glory). Le directeur du Fight-District et manager du Team Pro à Lausanne, Cabal Crenn, déplore la modestie des moyens disponibles pour aider les pros et appelle à un changement des mentalités propice au «phénomène boxe». A quelques exceptions près, on ne vit pas de la boxe. «Changeons les regards sur la boxe qui est revenue à la mode grâce à des «monuments» comme Joshua, Mayweather, Pacquiao et Klitschko. Nos très bons boxeurs ont besoin de soutiens financiers plus conséquents pour s’épanouir. Cessons d’invoquer un âged’or passé, parlons du présent.» Dans cette attente, l’ancien champion du monde de kickboxing Mohamed Belkacem prévoit de coacher, diplômes à la clé, le niveau professionnel et… son épouse et boxeuse, Olivia Belkacem- Boudouma.

La boxe helvétique ne vit donc pas dans la nostalgie d’Enrico Scacchia ou de Mauro Martelli. Elle est entrée en résistance sur tous les fronts – projets de la fédération pour investir l’école, les salles de fitness et la réussite internationale

de ses champion(nes) –, elle s’exprime et diffuse ses messages de courage et d’endurance. De quoi faire mettre un genou à terre à bien des barrières psychologiques et idées re

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