Ernest Monnier n’est plus

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09.07.2018 12:41 Uhr

Indestructible sur le ring au temps de sa gloire, l’ancien champion de Suisse Ernest Monnier a tout de même fini par perdre son dernier combat, celui pour la vie. Il s’est éteint le 21 juin dernier dans sa 87ème année, à Chexbres, dans un établissement spécialisé où il avait été admis il y a huit mois après avoir été affecté par une infection pulmonaire. La boxe romande porte le deuil de ce combattant généreux et physique, au propre comme au figuré, qui lui a procuré tant de grandes et belles émotions.


Ernest Monnier, à gauche, avec l’entraîneur Fouad Ben Saoud
à Lausanne en 2014 à l’occasion des championnats de
Suisse organisés cette année-là.

Dans les années cinquante, ce puissant super-welter, surnommé Roméo, avait mis à l’honneur le Club lausannois de boxe (CLB) en conquérant de haute lutte trois titres de champion de Suisse des super-welters (1955-57-58). En 1956, diminué par une angine, il avait dû déclarer forfait pour la finale, à Genève, et le sacre fut pour le Bâlois Neuenschwander. Mais le Lausannois avait ensuite battu celui-ci en cours de saison en match qualificatif pour les championnats d’Europe 1957 à Prague. Dans la capitale de la Tchécoslovaquie, il avait été éliminé au 1er tour par le grand Laszlo Papp, triple champion olympique hongrois (1948-52-56) et futur champion d’Europe professionnel des poids moyens en 1962 ! En 1956, sélectionné pour les JO de Melbourne avec Neuenschwander et les Zurichois Hans Buchi et Max Meier, Ernest Monnier avait déjà vu son rêve s’évanouir suite au boycott imposé par la Suisse après l’intervention de l’armée soviétique à Budapest !

Solide, dur au mal, ce fils de vigneron-tâcheron de Grandvaux, né de père valaisan et de mère italienne, a disputé quelque 120 combats entre 1950 et 1959 et écrit quelques unes des plus belles pages du CLB. Affecté par une jeunesse douloureuse et agitée, il a mis dans ses matches toute la hargne et la dureté que lui insipiraient ces années difficiles. Un battant au grand coeur, un bagarreur au style peu académique mais diablement efficace et très fair-play. Spectaculaire sur le ring, il a souvent été appelé à boxer à Genève où les meetings étaient nombreux à l’époque et attiraient toujours plus d’un millier de spectateurs.


Ernest Monnier à Lausanne 2014 avec votre serviteur

En 1952, à 21 ans, Ernest Monnier était parti six mois à Paris chez l’entraîneur Dupin avec l’espoir de faire carrière chez les professionnels. Mais, malgré le soutien de Henri Perren, président du CLB, et quatre combats disputés à son avantage (3 succès, 1 défaite), l’aventure avait tourné court car le jeune lausannois, sans formation et sans travail, n’avait pas voulu être à la charge de son entourage. Il avait alors reporté avec succès ses ambitions sur le sport amateur où ses qualités lui avaient permis de se tailler une belle réputation. Souvent sélectionné en équipe de Suisse pour disputer à l’étranger des matches et tournois internationaux, il fut durant ces années 1950 l’un des meilleurs amateurs du pays. Il s’ennorgueillit d’ailleurs de ne jamais avoir été battu par ko.

En 1959, alors qu’il était en pleine forme, une hernie discale l’avait empêché de disputer les championnats d’Europe organisés à Lucerne et avait précipité sa fin de carrière. Il se consacra alors au travail de ses vignes, au cœur de Lavaux, et fut l’un des fidèles de la fanfare de Grandvaux et de la société de sauvetage de Villette où sa robuste constitution en fit un rameur très apprécié jusqu’à plus de 70 ans !

L’âge de la retraite venu, il coulait des jours heureux dans sa maison de Grandvaux, avec vue imprenable sur le lac Léman et les Alpes savoyardes, après avoir remis ses vignes à son fils Stéphane (Stef, le fameux dessinateur de presse) qui veillait affectueusement sur lui. En 2014, à l’occasion des championnats de Suisse organisés à Lausanne par le CLB, il avait offert personnellement une prime de 100 francs à chacun des dix vainqueurs titrés.

 

Bertrand Duboux, 8.7.2018

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